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 INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket

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papy
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MessageSujet: INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket   INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket EmptySam 5 Fév 2022 - 8:51

Galaxie Star Wars a eu le plaisir d'interviewer Lucile Galliot,
directrice de la collection Star Wars chez Pocket.
L'occasion d'échanger sur le métier de traducteur, celui de directrice de collection
et les coulisses de l'édition de romans Star Wars en France.

Une interview passionnante d'une femme passionnée.

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GSW : Comment es-tu passée d'enfant jouant avec les jouets Star Wars de tes frères, puis ado lectrice de romans Star Wars, puis traductrice et maintenant responsable des romans Star Wars ?

[LG] : Je vois que vous êtes bien informés. J'ai retrouvé, il n'y a pas très longtemps, une petite figurine de Boba Fett. Ça m'a fait énormément plaisir de la ressortir et de la montrer à mes enfants, avec l'arrivée de la série sur Disney +. Après, dans mon souvenir, je n'ai pas autant joué que ça avec les figurines.
Ce qui est sûr, c'est que très vite j'ai vu et revu les films. Je crois qu'il y a eu une période où je les regardais au moins une fois par semaine. À tel point que mes frères et sœurs – je suis la dernière de la fratrie – me charriaient en disant que tous les samedis soir, je regardais Star Wars. Je me souviens également que je faisais des enregistrements.

J'enregistrais des passages des films, mes dialogues préférés que je réécoutais la nuit sous la couette, sur mon Walkman. Comme cela j'avais l'impression, de pouvoir revivre les moments que je voulais, quand je voulais. C'était une grande liberté.
Je faisais aussi du découpage du Lucasfilm Magazine, auquel j'étais abonnée. Ça, je m'en suis déjà expliquée auprès de Patrice Girod en m'excusant (rires). Je n'en ai pas un seul qui soit impeccable. En fait, dès que je recevais le magazine, je le lisais une première fois, puis après, je découpais toutes les photos que je trouvais et je m'amusais à les coller dans l'ordre. J'avais des frises dans ma chambre que j'accrochais au mur dans l'ordre chronologique.

INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket Lucasf10

Par exemple, pour La menace fantôme, nous avons eu énormément d'images qui nous ont été données par le magazine avant la sortie du film. Et avec ce que j'arrivais à grappiller par ci, par là, j'essayais de deviner dans quel ordre se passaient les événements. J'avais réussi à avoir comme une structure visuelle du film avant sa sortie.
D'autant plus qu'à cette époque nous avions la novélisation avant la sortie du film. J’avais pu reconstituer un peu l’histoire grâce au magazine. Tout ça pour dire que j'étais en effet une grande fan, même si ce n'était pas directement lié aux figurines. J'aimais bien jouer avec Star Wars en me l'appropriant de différentes manières.

Ce n'est pas fan alors, c'est ultra fan !

Oui. De façon peut-être un peu obsessionnelle (Rires). Et puis est arrivé le début des années 90 avec les premiers romans. Tout ça, c'est un peu concomitant. Lors d'un noël, mes parents m'avaient offert la novélisation de la trilogie originelle. C'était un coffret dans lequel il y avait le premier roman de Timothy Zahn, qui s'appelait Star Wars 4. C'était L'héritier de l'empire. Ça a été le début de la fin pour moi, ou le début du commencement. Content

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J’ai découvert à ce moment-là l’existence des romans et j'ai continué à lire. Je me suis arrêtée pendant une dizaine d'années au moment de mes études supérieures, des études littéraires, car j'avais un retard monstre en littérature générale dû à mes nombreuses lectures Star Wars.
Ayant suivi une filière scientifique au lycée, on ne m'avait pas forcément demandé de lire les grands classiques. Alors, j'ai mis un peu de côté Star Wars.

J'ai commencé à travailler comme traductrice vers 2005. J'avais replongé un peu dans mon amour pour Star Wars avec la prélogie, mais je n'avais pas repris les lectures.
Je me suis mise à traduire des romans sans aucun rapport avec Star Wars, ni même avec la Science fiction ou la fantasy. J’ai beaucoup traduit de livres pour enfants lors d'un stage chez Hachette. Je me suis rendu compte que la Bibliothèque Verte faisait pas mal de petits romans de science fiction. Je leur avais dit que j'étais intéressée, et un jour, ils m'ont dit “On va ressortir les novélisations des films pour la sortie 3D de La menace fantôme au cinéma. Est ce que ça t'intéresse?” Et là c'est carrément le Graal !

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Après, Hachette s'est rapidement demandé si on faisait la suite. Puis il y a eu le rachat de Lucasfilm par Disney, les films 3D n'ont plus été d'actualité, mais par contre, une nouvelle trilogie a été annoncée. Là, Hachette a dit tout de suite « Il faut ressortir toutes les novélisations pour être à jour pour la sortie de l'épisode 7 ».
Ils m'ont demandé soit de traduire, soit de relire le travail de traduction d'autres personnes sur cette petite collection de la Bibliothèque Verte.

Ensuite, la Bibliothèque Verte m'a proposé de retourner dans la galaxie lointaine et j’ai accepté avec plaisir. Puis j'ai contacté Pocket en leur disant « Voilà, il y a la nouvelle trilogie qui arrive. Ça fait déjà quelques années que je travaille sur Star Wars pour la Bibliothèque Verte. J'aimerais bien passer au niveau adulte ou en tout cas jeune adulte. J'imagine qu'il y a beaucoup plus de livres que d'habitude. Vous avez peut-être besoin de développer votre équipe.”
Ils m'ont répondu « En effet ! » et j'ai été embauchée pour faire un essai sur un roman jeune adulte, c'était L'arme du Jedi. À cette époque-là, c'était un des livres qui accompagnaient la sortie de l'épisode 7. Un livre centré sur Luke, tout jeune, qui apprend à utiliser la Force. Ça a très bien marché. On a continué. Ensuite, on m'a proposé de faire un roman adulte. J'ai pu faire Tarkin, (un gros kiff pour moi) et de fil en aiguille, on m'a confié d'autres choses, comme Thrawn. Pour moi, c'était le Graal ultime ! Sachant que Timothy Zahn était mon premier auteur de Star Wars et que j'avais lu tous ses romans.
A l’époque, la personne qui s'occupait de la collection Star Wars s'occupait aussi de tout Pocket imaginaire, donc tous les romans de science fiction, fantasy, fantastique et Star Wars.

Quand il est parti, la personne qui devait le remplacer a tout de suite dit « Écoutez, moi, je suis d'accord pour reprendre le poste, mais pour ce qui est de Star Wars, je ne m'y connais pas très bien. » Mon prédécesseur à ce moment-là, a conseillé mon nom, sachant que, depuis quelques années déjà, je lui donnais pas mal de conseils. Je l'aidais dans le choix du programme. Je faisais de la veille pour lui sur les forums et lui faisais remonter beaucoup de choses de la part des lecteurs. Ils ont trouvé ça logique de me proposer ce travail.

Je ne m'occupe donc que de la collection Star Wars qui, depuis peu, s’est étendue. Il y a bien sûr Pocket avec à peu près sept inédits par an. Et puis, il y a Outre fleuve qui sort un roman Star Wars en grand format à peu près une fois par an.
Jusqu'à présent, C'était les novélisations. Et puis comme il n’y a plus de films en ce moment, nous allons sortir Ronin qui est un roman adapté de la série Vision. Maintenant, il y a les livres numériques qui sortent à chaque fois qu'il y a une nouveauté. Enfin, nous venons de commencer les livres audio chez Lizzie. Ça grandit petit à petit. Nous sommes très contents de voir cela se déployer, se développer et que les lecteurs répondent présents.

Effectivement, on voit très bien que depuis qu'il y a une responsable de la série Star Wars, il y a un envol sur l'ensemble des supports et je pense que les lecteurs que nous sommes attendaient cela avec impatience.

C'est une question de temps. Quand tu t'occupes d'une collection complète, tu ne peux pas avoir autant de temps pour chaque chose. La collection Star Wars est très chronophage pour le directeur de collection parce qu'il y a plein de choses à prendre en compte. Avec Star Wars, nous n'avons pas la difficulté, comme un autre directeur de collection, d'aller enquêter et de “chasser” le livre. Par exemple, ma collègue Charlotte, qui s'occupe de Pocket Imaginaire, va lire tous azimuts et essaie de trouver les perles pour ensuite les acheter au grand format et les adapter en poche. Ça, c'est quelque chose que je n'ai pas du tout besoin de faire parce qu'on a directement les titres qui nous sont proposés par Lucasfilm Publishing. Mon travail, c'est de faire un choix et un tri dans tous ces livres qui sortent aux États-Unis par ordre d'importance, par ordre de priorité.
Souvent pour rebondir sur des événements ou sur des anniversaires,… Il y a toute une réflexion à avoir, mais sinon, nous n'avons pas besoin de partir à la chasse aux livres. Toutefois, cela reste extrêmement chronophage parce qu’en plus de la programmation, il y a aussi les échanges avec Disney. C’est très intéressant en soi, mais cela prend du temps.

Il faut récupérer les fichiers, les visuels, et toutes les informations. Une fois que tout cela est monté et adapté, il faut les présenter à nouveau pour que ça soit validé avant publication. De plus, j'ai les tâches habituelles des directeurs de collection : je dois rédiger des argumentaires pour chaque roman, suivre l'adaptation de la couverture. Ensuite, écrire le texte de quatrième de couverture et relire l’ensemble des textes. Je fais une sorte de préparation de copie. Cela veut dire que je récupère le texte du traducteur pour le relire.
Pour ce travail, je suis assistée par un autre grand fan de Star Wars qui s'appelle Renaud Thomas, qui est aussi dans l'organisation de Cusset chez les Héritiers de la force. Il m'assiste dans ce travail de relecture et vérifie qu'il y ait une véritable homogénéité au niveau de la terminologie.

Ce travail d'unification, qui n'est pas forcément présent dans d'autres collections, prend beaucoup de temps. Par conséquent, je pense que c'était bien qu'il y ait un directeur de collection qui soit centré sur Star Wars.

On a vraiment l'impression que depuis ton arrivée, les romans Star Wars sont sortis du bois. Qu'il y a eu un coup de projecteur sur cette littérature qui, en France, paraissait inexistante ou assez faible.

C'est aussi du à ma présence sur les réseaux. Les précédents directeurs n'avaient pas forcément le temps de parler de Star Wars sur les réseaux sociaux. Ils partaient du principe que le lectorat Star Wars est fidèle et c'est tout à fait vrai. Et quand un nouveau livre sort, finalement, d'en parler ou non, cela  n'affecte pas les ventes.
Néanmoins, même si Star Wars est une licence qui est forte côté ciné/série/Jeux vidéos, en ce qui concerne les romans en France, ce n'est pas encore quelque chose de très connu. Et même si nous avons un lectorat qui est fidèle, c'est un lectorat de niche. Par conséquent, l'objectif est vraiment de l'étendre. Nous pensions que l'arrivée des épisodes 7, 8 et 9, allait développer énormément ce lectorat, mais nous nous sommes rendu compte que c'est toujours à peu près le même, extrêmement fidèle, mais assez réduit.

Mais le nombre de lecteur augmente et notre objectif, c'est de l'accroître toujours plus.
Par exemple, on se rend compte qu'il y a plein de gens qui n'ont pas le temps de prendre un bouquin, de se poser et de ne rien faire d'autre que lire. L'intérêt du livre audio, par exemple, c'est de pouvoir conduire, faire ton repassage, faire la vaisselle, faire à manger tout en écoutant un roman. On a bien vu l'explosion des podcasts ces derniers temps, notamment pendant la pandémie. Et le livre audio est dans cette même veine.
L'idée, c'est vraiment que les gens qui disent « Je n'ai jamais le temps pour lire ou je m'endors au bout de trois lignes » puissent grâce au livre audio, accéder à ces histoires.

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(Coyote) bon c'est décidé je vais prendre le livre audio de La lumière des Jedi, c'est promis.

Chouette un de plus (rires) ! C'est comme ça que ça marche. C'est ce que j'adore quand je vais à Cusset, le contact avec les lecteurs. C'est ce que je préfère. L'année dernière, avec Claudia Gray, il a fallu que je m'occupe pas mal d'elle, que je l'aide pour les autographes, à cause des prénoms français. Ça m'a un petit peu accaparée. Je n'ai pas pu être aussi présente que je le souhaitais à la librairie, mais le contact, c'est ce que je préfère.

En fait, les romans Star Wars ont un style d'écriture et des thématiques extrêmement divers. Le lectorat peut varier énormément d'un roman à l'autre. C'est très difficile, par exemple sur Twitter, de faire un thread pour expliquer par quoi commencer dans Star Wars.
Ça dépend complètement de la personne que tu as en face de toi. Et c'est ce que j'ai adoré dans le contact avec les lecteurs. C'est ce que j'aime dans les réseaux parce que les gens n'hésitent pas à me contacter, me dire « Je ne sais pas trop quoi lire. Qu'est ce qui me correspond? J'aime bien tel personnage. J'aime bien telles périodes dans Star Wars. Qu'est ce que vous me conseillez? » C'est super de voir que tu peux faire des heureux.

Parlons un peu de la créativité. On se doute bien qu'il n’y en a pas beaucoup, sachant que Disney n'est pas loin derrière. Mais est-ce que tes choix sont orientés ou as-tu un espace de liberté ?

Je fais une différence entre la liberté et la créativité. C'est deux choses différentes. Entre le métier de directeur de collection et celui de traducteur, c'est encore différent. Comment s'exprime notre liberté, notre créativité dans chacun de ses postes ? En fait, Disney est quand même assez confiant vis à vis de notre travail de traduction, ils vont être très attentifs à nos couvertures, à nos demandes de traduction. À chaque fois que nous voulons sortir un livre, il faut faire une demande officielle sur une plate-forme de Disney. Il faut préciser le format, le prix, etc. Cette fiche-là vaut demande d'adaptation. Disney nous répond oui ou non. À noter que c’est notre contrat de licence avec Disney qui nous permet d'aller sur cette plateforme.

Une fois que c'est accepté, on peut récupérer les textes originaux sur cette plateforme. On peut alors les transmettre aux traducteurs. Ensuite, nous, faisons notre travail d'éditeur : Nous allons relire le texte, corriger les fautes de grammaire et d'orthographe. Nous allons vérifier la terminologie. Il va y avoir des allers-retours avec le traducteur pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'erreurs, etc.
Et puis, à la fin, quand le travail est terminé, Disney valide le texte et la couverture. Bien sûr, ils ne vont pas lire le livre en entier pour s'assurer qu'on est fidèle dans la traduction. Ils ont des relais en France qui vont vérifier les copyrights par exemple, mais pour le texte, il y a une vraie confiance qui s'est installée.

Ça fait plus de 25 ans maintenant que Pocket traduit du Star Wars. Il a pu y avoir une période où les textes n'étaient pas toujours très fidèles, où il y avait des coupes ou des choses comme ça. C'est le genre d'info qui finit toujours par filtrer et remonter aux oreilles de l'ayant droit. Là, ils savent très bien que pour l'instant, on est très fidèles aux textes et que les lecteurs sont contents.
Donc il y a une certaine liberté qui nous est laissée. Pour ce qui est du choix du programme, j'ai une liberté totale. Même si de temps en temps, voyant un livre qui semble oublié dans un coin, ils vont revenir vers moi. L'objectif, c'est quand même que l'on adapte tous les livres qu'il soit possible d'adapter.
On leur répond tout simplement qu'on est limités à sept titres par an, qu’on ne peut pas traduire aussi vite qu’ils écrivent. C'est mathématique. D'autant plus qu'aux Etats-Unis, ils ont une maison d'édition qui s'occupe des romans adultes et une autre qui s'occupe des romans jeunes adultes et jeunesse. Forcément, ils ont une force de frappe qui est très importante. Ils peuvent travailler beaucoup plus vite. On s'en est rendu compte avec La Haute République, ça a été un peu compliqué de suivre le rythme. Ils ont plus de mains qui travaillent dessus, que nous.

Je rebondis sur le fait que vous sortiez sept livres par an. Est-ce simplement parce que vous n'avez pas les ressources suffisantes pour arriver à englober la production VO ?

Le nombre de traducteurs, c’est toujours quelque chose qui peut être augmenté. Comme vous le savez peut-être, les traducteurs ne travaillent pas comme salariés. Ce sont des freelances que l'on embauche pour chaque roman. Il y a une équipe qui s’est créée et l'on a tendance à toujours faire appel aux mêmes personnes parce qu'il y a une expertise qui s'est mise en place, parce que l'on sait travailler ensemble, on aime travailler ensemble. Mais ce n'est pas une équipe de salariés. Si l'on voulait sortir plus de titres, nous pourrions juste augmenter notre équipe. D'ailleurs c'est ce que nous avons fait dernièrement. On était à peu près 6 traducteurs à travailler régulièrement, ce qui correspondait à peu près à un titre par personne, par an.

Nous sommes allés jusqu'à huit traducteurs. Tout simplement parce qu'avec l'augmentation des maisons d'édition avec qui nous travaillons il fallait, par exemple, quelqu'un pour s'occuper des livres audio. Et puis il y a une autre traductrice pour Ronin parce que tous les autres traducteurs étaient occupés sur la Haute République ou sur d'autres titres. J'ai donc augmenté les effectifs, mais ça ne veut pas dire qu'il y a plus de titres chez Pocket. Cette limite du nombre de titres est due à de nombreux critères.
En fait, sept titres, c'est bien, c'est ce qu'il faut. Il ne faut pas plus, pas moins, à la fois pour ne pas être trop en retard par rapport aux États-Unis et en même temps, si l'on sort plus de titres on va prendre de court notre lectorat. Ça veut dire qu'il faut qu'ils lisent plus vite. Chaque titre qui sort chasse le précédent. Il y a un équilibre à trouver pour qu'une collection vive bien, que chaque titre ait le temps d'être acheté, d’être lu.

Il y a un équilibre à trouver aussi pour nous dans l'équipe éditorial. Toute l'équipe qui travaille à la fabrication et à l'impression, c'est la même équipe qui s'occupe de tous les romans de Pocket Imaginaire.
Vous imaginez, il y a un fond de roulement qui est extrêmement important et dense, donc même pour ces équipes là, plus, ce serait trop. De mon côté aussi, si je veux continuer à pouvoir suivre tous les romans, les lire tous et m'assurer de leur homogénéité et de la cohérence de la terminologie, il faut que je puisse les lire. Il faut avoir le temps de le faire. Même si je suis assistée par Renaud.
Mais vous voyez, j'ai trouvé d'autres moyens pour essayer d'augmenter le nombre de titres Star Wars qui sortent en France. C'est en allant vers d'autres maisons d'édition, en allant vers les livres audio, continuer avec Outre Fleuve, même s'il n'y a plus de novélisation, continuer avec eux de sortir un inédit une fois par an.

Merci pour ces éclairages.

Je reviens maintenant sur le travail de traducteur. Tu as traduit à quatre mains La lumière des Jedi, et plus récemment Chaos croissant. Comment cela ce passe t il quand on travaille à deux traducteurs sur un même roman ? Comment donne-t-on de la cohérence ? Surtout quand il y a, en parallèle, le travail de Panini sur la Haute République. Il a fallu trouver un vocabulaire commun. Comment se passe cette cohésion entre équipes ?

C'est quelque chose que je pratique depuis un bout de temps maintenant. Je suis une traductrice assez lente. Peut-être trop attachée au sens du détail. Je me suis vite rendu compte que j’avais du mal à aller au bout d’un roman entier, seule. Et assez rapidement, j'ai fait appel à des personnes qui ont travaillé avec moi. Dès Tarkin, j'étais avec une collègue.
Il se trouve que j'étais en congé maternité la moitié du temps, donc cela expliquait la situation. Et c’est d'autant plus vrai avec la direction de collection : C'est un peu compliqué de se libérer du temps pour pouvoir traduire. Ce sont vraiment des rythmes très différents, avec d'un côté, un travail quotidien et des urgences qui se succèdent. Et puis, ce temps de la traduction où on a besoin d'avoir de longues heures disponibles pour atteindre une vitesse de croisière et avancer de manière efficace.

Mais cela devient de plus en plus compliqué pour moi. Alors je fais de moins en moins de traductions. Je me garde en général un roman par an. Et je me suis rendu compte que travailler à plusieurs me convenait bien : échanger sur la terminologie utilisée, penser à tous les détails : le tutoiement, le vouvoiement entre les personnages, le niveau de langage… Toutes ces choses qui, si l'on n'y fait pas attention au moment de la traduction, saute aux yeux du lecteur. Avec les personnes avec qui j'ai travaillé, que ce soit Renaud sur les Thrawn ou avec Sandy, par exemple, sur La lumière des Jedi ou Julien sur En pleines ténèbres, nous avons créé un glossaire en ligne auquel nous nous référions au fur et à mesure de la traduction.

Dans ce glossaire, nous notions les nouveaux termes, en anglais et en français avec la proposition de traduction. Et puis, on a une colonne extrêmement importante à côté qui est « commentaires ». On peut y mettre tout ce qu'on veut. On va dire « j'ai traduit comme ça, mais il y a peut être mieux. Est ce que tu as des propositions, des suggestions ? » Ou dire « voilà, j'ai traduit comme ça parce que j'ai trouvé la source dans tel bouquin. Ça avait été traduit comme ça, mais dans tel autre, c'était une autre traduction. Laquelle tu préfères ? Qu'est ce qui est plus logique? » Et l'autre personne va se référer à ce glossaire et va pouvoir donner des suggestions ou dire « Attention. Là, j'ai vu que tu avais utilisé tel terme. Il existe. Je l'ai déjà croisé dans un bouquin ». Il y a une grosse entraide. Le travail de traducteur, souvent, c'est un travail assez solitaire. Et le fait d'être à deux sur un livre, ça aide vraiment à avancer.

INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket L_orag10

On sait que l'autre traducteur attend la suite. C'est assez galvanisant et c'est assez chouette. Pour ce qui est de la Haute République en particulier, on a créé ce glossaire en ligne de façon à aider chaque  binôme. Il faut savoir que les romans sortaient trois mois après les Américains, alors il fallait vraiment aller vite. Pour les livres suivants, Sandy a traduit tout seul L'orage gronde qui est sorti le 27 janvier 2022 et Julien a traduit tout seul Hors de l'ombre. Mais en fait, ce glossaire continue d'exister. Nous y mettons tous les titres qui sortent dans la Haute République, non seulement les romans Pocket, mais nous avons invité les autres éditeurs à participer. Dans ce glossaire figurent Panini, la Bibliothèque Verte et désormais les mangas dont on peut parler puisque c'est officiel. Tous ceux qui participent à ce glossaire peut s'y référer, chercher si le terme a déjà été traduit ou non et comment il a été traduit. On peut également aller voir où en est la personne qui est en train de traduire tel ou tel titre, pour lui faire des suggestions ou demander conseil. C'est extrêmement participatif. Ça nous permet aussi d'avoir cette cohérence qui me semble essentielle quand on a un gros projet cross média comme ça.

C’est vraiment une bonne idée car c’est un peu ce qui était reproché dans les années 90. Il y avait des terminologies un peu hasardeuses et la vigilance sur les termes à utiliser était moins importante.

Par exemple pour Le Nouvel Ordre Jedi, comme pour toutes ces grandes sagas fleuve, nous avions des traducteurs différents et des auteurs différents dans une même saga, dans un même fil narratif.
Nous étions obligés de faire appel à des traducteurs différents parce que les romans se suivaient extrêmement rapidement. Or à l’époque, les glossaires en ligne n’existaient pas beaucoup. C’est quelque chose que la technologie a permis de créer. A mon arrivée, j’ai proposé à Disney de créer un glossaire général de Star Wars qui permettrait d’écrire noir sur blanc certaines règles. Maintenant, c’est un glossaire de 2000 termes avec une charte éditoriale sur toutes les questions de majuscule, de singulier, de nom d’espèce, de nom de vaisseau et qui répond également à certaines questions : Doit-on traduire ou non ? Comment traduire suivant la terminaison des espèces ?  Ce sont des indications qui permettent de se repérer lorsque des nouveautés arrivent. Ce sont des règles qui ont été mises en place afin que tous les éditeurs partent de la même base.

Chez Pocket nous utilisons ce glossaire enrichi de tous les nouveaux termes issus des nouveaux romans. C’est entre 100 à 200 termes qui s’ajoutent à chaque roman. Pour La Haute République nous avons également une base commune.
C’est une manière de travailler vraiment passionnante.

Le but étant également d'embarquer les encyclopédies de fans dans l’aventure en leur fournissant les outils que nous utilisons (la charte et le glossaire général) et de leur fournir régulièrement des informations leur permettant de créer leurs futures fiches en utilisant les bons termes. C’est un partenariat où tout le monde est gagnant. Les traducteurs font des recherches dans notre glossaire mais également dans les encyclopédies de fans et si les termes sont correctement traduits cela leur facilite la tâche.

Quel est la position des romans Star Wars en France par rapport au reste de l’Europe ? Travaillez-vous avec d’autres pays ?

La position du marché français n’est pas facile à évaluer d’autant plus que nous n’avons pas accès aux chiffres de nos amis allemands ou italiens par exemple. L’Europe reste un marché de niche. Dans d’autres pays européens, les éditeurs sortent les romans en grand format avant les sorties Poche et cela peut être une indication sur leur lectorat. Chez Pocket, la sortie en grand format précédent la sortie poche n’a que peu d’intérêt. Dans les années 90, Presse de la Cité sortait les romans en grand format puis ils étaient repris au format Poche. Cette façon de travailler à fini par s’arrêter pour une question financière.

Il faut reconnaître que le grand format est agréable, ce sont de beaux livres et nous sommes tous d’accord avec cela, mais il faut débourser entre 20 et 25€ pour acheter un livre.
Beaucoup sont content des sorties directement au format Poche à petit prix.
D’autant plus que ce format harmonise la hauteur des livres des collections dans les bibliothèques (Rire).
Souvent les gens nous disent : « Nous n’avons pas de grand format en France ». Je ne suis pas sûr que les fans soient gagnants à avoir un grand format et le format Poche seulement un an après.

Il faut comprendre que sortir directement au format Poche a un coût pour l’éditeur. Le prix de la traduction est identique mais à côté de cela chaque livre rapporte peu (9.50€ pour le format Poche au lieu de 25€ pour un grand format) donc le seuil de rentabilité est atteint beaucoup moins vite. A un moment donné, il a été décidé que la collection vivrait mieux comme cela.
Mais rien ne dit qu’un jour nous ne reviendrons pas au grand format de manière exceptionnelle. Comme pour Ronin ou pour des sorties collectors, pourquoi pas. Nous ne nous interdisons rien. Aux États-Unis, les romans Star Wars réussissent à atteindre la New York Time Best-Seller List, nous n’en sommes pas là en France.
Quand aux pays dont on entend le plus parler, il y a l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie. La Russie édite aussi des romans Star Wars. La Pologne également. L’Amérique latine possède des versions spécifiques pour l'Argentine qui sont différentes des versions espagnoles et le Brésil propose des couvertures retravaillées assez sympa.

C’est difficile de positionner le marché français. Au niveau des sorties, nous sommes bien placés. Avec La Haute République nous avons sorti les premiers romans deux ou trois mois après les US, nous étions dans les premiers. Pour la deuxième vague, nous sommes repassés à six mois entre l’édition US et l’édition française. C’est volontaire pour qu’il n’y ait qu’un seul traducteur qui travaille sur un roman du début à la fin. Pour la première vague, il fallait marquer le coup et profiter du buzz qui accompagnait l’annonce. Maintenant, il vaut mieux prendre un petit peu plus de temps pour éviter que les équipes soient au bord de la saturation et s’assurer qu’ils fassent un bon travail. Du coup, cela nous a semblé préférable d’attendre un ou deux mois de plus pour que, sur le long terme, la qualité soit toujours au rendez-vous. Certains pays sont en avance sur nous, mais ce n’est pas une course entre éditeurs européens ! Et ce qui est sympa, c’est que nous nous entraidons. Lorsque quelqu’un découvre une coquille dans le texte américain et après accord sur la traduction par Lucasfilm Publishing, nous pouvons nous transmettre l’information et ainsi nous donner de petites astuces de ce style. Et parfois si un autre éditeur a déjà essuyé les plâtres, ça peut être intéressant (Rire) !

Nous avons régulièrement des points « publishing » confidentiel organisés par Disney qui nous permettent de nous projeter. Par exemple, nous savions que la deuxième phase de La Haute République se déroulerait 150 ans avant la première. Ce qui nous a permis de réfléchir à nos futures couvertures. Et d’ailleurs, dans une de ces réunions à propos de La Haute République, les intervenants de Disney ont affiché en gros la présentation des romans de Pocket Imaginaire ainsi que celle de Panini Comics France. La France était mise en avant, signe que notre travail est remarqué !

Nous ne doutons pas un instant de l’effort fait depuis quelques années aussi bien du côté des comics que du côté des romans. C’est flagrant.
Pour rebondir sur ce qui a été dit précédemment à propos des éditions grand format ou hors norme, est ce que l’on pourrait imaginer l’édition des recueils de nouvelles « From a certain point of view » ?


Il nous est arrivé de sortir des choses « hors normes » comme Luke Skywalker Légendes qui était un recueil de nouvelles. C’était un coup de cœur de mon prédécesseur. Cela fait partie des libertés que possède un directeur de collection. La difficulté de ce genre d’exercice c’est la place. Luke Skywalker Légendes est sorti dans un creux de la vague des romans Star Wars. Ce recueil de nouvelles a donc naturellement trouvé sa place.

INTERVIEW de Lucile Galliot - Pocket Luke_s10

Actuellement, nous sommes plutôt dans un pic de production. Suivre la production de La Haute République est déjà un défi avec cette année quatre titres sur sept, c’est déjà conséquent ! Il faut également poursuivre les autres séries sans prendre trop de retard.

J’ai lu beaucoup de nouvelles qui me plaisent et que j’aimerais bien un jour pouvoir caser à gauche ou à droite mais ce ne sera pas prioritaire. Et pour revenir à « From a certain point of view », le problème c’est de tous les sortir car il y a un effet trilogie.
Ne sortir qu’en seul recueil n’a selon moi, pas de sens. Un autre problème : ce sont de gros ouvrages qui coûtent très cher à traduire. Nous savons que les nouvelles se vendent beaucoup moins bien que les romans inédits donc ce serait une prise de risque et ce sont malheureusement des arguments qui entrent en ligne de compte.

Il y a des choses qui pourraient se faire, à l’occasion de la sortie d’intégrale par exemple qui permettrait d’ajouter certaines nouvelles. Mais « From a certain point of view » est tellement imposant que même dans ce cas, ce serait impossible. Il y a d’autres recueils de nouvelles que l’on pourrait intégrer. C’est vraiment à ce genre de choses que je réfléchis.

Dernière question : Que dirais tu à un fan de Star Wars qui souhaiterait devenir traducteur ?

En premier, je lui dirais de foncer ! (Rire) C’est une aventure extraordinaire qui m’apporte beaucoup de joie et j’aimerais vraiment que quelqu’un puisse vivre la même chose. Après, dans mon cas, Star Wars n’a pas été le seul moteur de ma carrière. Si j’ai choisi de faire cela, c’est parce que j’aime le faire et que je suis tombée amoureuse de la traduction. Au-delà même de l’anglais c’était l’art de retranscrire dans ma langue maternelle et de pouvoir transmettre à ceux qui ne peuvent pas lire cette langue étrangère le message qui est donné par un auteur. C’est cet aspect qui m’a plu et que j’aime profondément. C’est pour cela que je n’arrêterai jamais la traduction même si la direction de collection prend du temps. Je pense qu’avoir traduit d’autres choses avant Star Wars m’a permis de découvrir d‘autres horizons. Je conseillerais aussi de lire énormément et pas que du Star Wars car ce qui est nécessaire pour un bon traducteur c’est de savoir écrire dans sa langue maternelle. Lire énormément en français mais également lire dans la langue qu’il pratique pour avoir une bonne compréhension de ce que les auteurs veulent dire. C’est une des conditions pour pouvoir transmettre quelque chose qui soit le plus fidèle possible et qui soit le plus intelligible possible. Le traducteur doit disparaître. Nous avons toujours la possibilité de mettre notre patte dans un texte mais il faut qu’elle soit la plus discrète possible. C’est comme une recette où le traducteur serait le levain, l’ingrédient qui permet la réussite tout en étant le moins visible possible. Mais pour réussir cela, il faut à la fois très bien comprendre le texte original et en même temps avoir une parfaite connaissance de la langue cible pour que le lecteur ait l’impression que le texte a été écrit directement en français. Ce qui n’est pas toujours simple.

Il n’y a pas de secret, la traduction s’apprend en pratiquant encore et encore.

Pour les études, personnellement j’ai une licence d’anglais puis j’ai fait une école de traduction ce qui m’a permis de travailler au bout de cinq ans. Mais d’autres ont pris des chemins différents. Il n’y a pas de voie unique. Dans notre équipe des traducteurs, il y a des gens qui ont pris des directions différentes, ce n’est pas pour autant qu’il y a des gens meilleurs que d’autres. Il ne faut pas démarrer la traduction en se disant : « Un jour, je traduirai Star Wars ». En premier lieu, il faut tomber amoureux du métier.

Merci beaucoup, c’était passionnant de comprendre toutes ces contraintes et ces enjeux qui tournent autour de l’édition de ce genre de roman.

Mais de rien, avec joie. Faire connaître l’envers du décor, c’est toujours sympathique.
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